Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

Littérature de jeunesse et débats réflexifs

Nous avons travaillé pendant deux ans avec une dizaine de professeurs d’école (C. Beck, S. Connac, A. Delsol, J. Leroy, C. Privat, M. Ollier, S. Vangeenhoven, C. Vaugelade…), de la grande section de maternelle au CM2, dans le cadre d’un GER (Groupe d’Elaboration de Ressources) de l’IUFM de Montpellier. Un ouvrage est en cours de publication sur la question (collection Argos).

Notre réflexion a porté…

sur l’articulation entre le débat d’interprétation sur la littérature de jeunesse en français, nouvelle orientation des programmes officiels du primaire, et la discussion à visée philosophique. Pour préciser notre propos, disons que sous sommes partis de l’album Yacouba, actuellement dans la liste indicative du programme, en travaillant sur le passage de « Yacouba est-il courageux ? »,débat d’interprétation sur un texte littéraire, à « Qu’est-ce que le courage ? », conceptualisation d’une notion (et inversement).

Voilà quelques questions que nous nous sommes posées et que nous poserons dans l’atelier :

Est-ce souhaitable, voire nécessaire, de partir de textes, au lieu des questions que posent spontanément lesenfants ? Si ce peut être utile, quels types de textes (romans de Lipman, collections philosophiques ad hoc, albums de jeunesse, ouvrages littéraires comme Le petit prince…) ? Que peut amener spécifiquement la littérature de jeunesse dans une perspective philosophique ? Comment articuler l’usage des textes, et en particulier un débat d’interprétation, avec une discussion à visée philosophique ?A quelles difficultés les élèves d’une part, l’enseignant d’autre part sont-ils confrontés ? Quelles pistes pour s’y confronter et les assumer?

L’atelier consistera à rendre compte de notre réflexion collective et à poursuivre le questionnement avec les participants, tant au niveau théorique que pratique.

On reproche souvent aux pratiques àvisée philosophique d’être hors programme (c’est une innovation), on se demande comment les articuler avec les objectifs de l’école (ex : la maîtrise orale de la langue, et son genre débat), on s’interroge pour savoir si elles ont des retombée formatives, en particulier dans d’autres disciplines, on s’étonne qu’elle n’aient pas de contenu culturel (ex : les idées des grandsphilosophes), pour contribuer à une culture commune (le fameux « socle commun » dont on parle actuellement). Cette recherche prend en compte ces questions, puisqu’il s’agit de construire une nouvelle pratique, au croisement de deux disciplines, le français et la philosophie. Celle-ci interroge à la fois la didactique du français et celle du philosopher.

Il ne s’agit pas de nier laspécificité de chacune des disciplines, et de les confondre sans rigueur : par exemple en français le texte ne saurait être prétexte, on en part et on y revient, alors qu’il peut être un simple déclencheur de questionnement en philosophie. Mais il n’est pas question non plus, au nom de leur différence, d’éviter tout contact jugé contagieux, ou de s’exclure mutuellement. Le pari est au contraire detravailler en pratique dans l’interdisciplinaire, en théorie dans l’interdidactique, pour travailler sur leur possible articulation. La réflexivité par exemple, comme objectif d’apprentissage, est une notion utilisée dans les deux didactiques (voir par exemple D. Bucheton en français, dans son ouvrage Parler pour penser, apprendre et se construire).

La discussion à visée philosophiqueau primaire est une innovation, en rupture tant avec la tradition de l’enseignement philosophique français, cantonné à la classe terminale, qu’avec celle de l’enseignement primaire, qui n’a jamais institutionnalisé la philosophie comme discipline enseignée. Mais l’importance de la littérature de jeunesse à l’école est aussi nouvelle, produit de la réforme des programmes de 2002, et le débatd’interprétation sur des textes une pratique inédite, à construire désormais. Nous sommes donc à un moment où émergent en même temps une innovation « sauvage », et une « innovation institutionnelle ». Il s’agit donc d’inventer quelles pourraient être les pratiques qui croiseraient ces deux innovations. Tel est un des chantiers possibles pour les praticiens innovateurs, lesformateurs et les chercheurs, auquel nous convions à réfléchir les participants de l’atelier.

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