Proposition acceptée par le gouvernement andorran de nouveaux programmes de philosophie en première et terminale
I – FILOSOFIA
(3h et coefficient 2 pour chacune des 4 séries)
Ce programme concerne les baccalauréats scientifico-technologique, économico-social et artistique.
Pour la série humanistico-linguistique, l’enseignement de la philosophie se déroulant sur deux ans, il concerne dans les…
compétences développées et son contenu (problèmes et notions) les deux années. Le programme ci-dessous précise les modalités d’évaluation de la première année, année d’initiation. Il s’agit dans la seconde, celle du baccalauréat, d’approfondir les problèmes et notions abordées en s’appuyant davantage sur des textes philosophiques, afin de développer la culturephilosophique des élèves. On trouvera après celui-ci le programme spécifique de philosophie de la deuxième année de cet enseignement du baccalauréat humanistico-linguistique.
INTRODUCTION
La philosophie est l’une des formes majeures de notre culture occidentale : une voie privilégiée par laquelle l’homme s’interroge sur le sens de savie et de son rapport théorique et pratique au monde, à la société et à la cité, à autrui et à lui-même, pour atteindre selon les philosophes la sagesse, la vérité, la vertu, le bonheur…
L’enseignement de la philosophie et l’apprentissage du philosopher ont pour objectifs, dans une société démocratique, d’apprendre aux élèves àpenser par eux-mêmes, à s’interroger sur le sens et les principes de leur existence individuelle et collective, pour qu’ils puissent orienter, en hommes libres, professionnels éclairés, et citoyens responsables du bien commun, leur pensée et leur vie, dans le champ des connaissances et des pratiques.
Le programme garantit la liberté philosophique du professeur, sans laquelle il n’y a pas de véritableliberté de pensée pour le maître et les élèves. Il articule sa nécessaire liberté pédagogique avec les garanties nécessaires aux élèves pour leur apprentissage réflexif et leur préparation aux épreuves certificatives.
Il est conçu pour permettre la poursuite d’études à l’étranger.
Il tented’articuler étroitement trois pôles indispensables pour apprendre à penser par soi-même : la proposition d’objets de réflexion (problèmes et notions), l’acquisition de processus intellectuels pour les penser, et l’étayage de cet apprentissage par l‘exemple de la tradition philosophique.
Afin d’impliquer les élèves dans une participation active au cours, propiceà la construction de leur propre pensée, il est souhaitable de varier les méthodes pédagogiques utilisées en classe : cours magistraux et discussions, lectures de textes et exercices diversifiés d’écriture, travaux de groupes et séances plénières…
CONTRIBUTION A L’EDUCATION A LA CITOYENNETE
Peu de philosophes ont étédémocrates dans l’histoire de la philosophie jusqu’au 18 ième siècle. C’est le philosophe qui est roi chez Platon, dont la réflexion naît de la rupture avec les préjugés du nombre. On connaît la position d’Aristote sur l’esclavage, la conception du souverain autoritaire chez Hobbes, l’admiration de Hegel pour Napoléon, le mépris nietzschéen pour le régime des faibles, lesambiguïtés d’Heidegger etc., et nombre de positions perçues aujourd’hui comme machistes sur les femmes…Il faut les resituer dans leur époque et leur doctrine.
C’est donc moins la démocratie comme « philosophie » politiquement correcte qu’il faut enseigner, que la capacité pour chaque élève à réfléchir par lui-même sur les fondements dela politique, les présupposés de la démocratie, les valeurs avancées par les droits de l’homme et du citoyen.
Un enseignement philosophique dans un régime démocratique devrait pouvoir former un « citoyen réflexif », vigilant vis-à-vis de la doxologie, de la sophistique ou de la démagogie toujours possibles, intellectuellement exigeant vis-à-vis du débatdémocratique, dans sa nécessité d’une éthique communicationnelle dans les échanges, et la tenue conceptuelle et argumentative de la discussion dans l’espace public.
CAPACITES ET COMPETENCES
Une réflexion philosophique pertinente implique le développement de capacités cognitives chez les élèves, et notamment :
- la capacité à problématiser, à questionner et se questionner sur les problèmes fondamentaux de la condition humaine, rendre douteuses ses évidences, mettre à jour les présupposés d’une assertion, remonter aux principes, distinguer dans une interrogation différents registres de traitement (ex : épistémologique, éthique, politique…), comprendrel’urgence et le nœud du problème, et particulièrement en quoi réside sa difficulté à le penser…
- La capacité à conceptualiser, à élaborer le contenu conceptuel d’une notion, idée générale et abstraite relativement indéterminée désignée par le langage, à opérer des distinctions conceptuellespertinentes pour formuler et tenter de résoudre un problème…
- La capacité à argumenter rationnellement une thèse ou une objection, dans la cohérence logique d’une pensée et en référence à l’expérience humaine, à analyser une situation ou un exemple…
Cescapacités s’articulent systémiquement dans l’unité et le mouvement d’une pensée habitée, notamment dans des tâches complexes qui développent de véritables compétences philosophiques : la lecture philosophique d’un texte, l’écriture et la discussion à visée philosophique.
L’apprentissage du philosopher se nourrit avec profit du dialogue avecl’altérité : confrontation culturelle avec les grands philosophes, stimulation de l’enseignant, frottement réglé avec ses pairs, qui favorisent le dialogue avec soi, en particulier par l’écriture en face à face avec soi-même.
D’où l’intérêt d’organiser de telles activités en classe : lectures méthodiques philosophiques, formesdiversifiées d’écriture philosophique, discussions à visée philosophique.
L’apprentissage du philosopher, s’il s’enracine dans une démarche rationnelle, s’étoffe de la sensibilité et de l’imaginaire, et l’appel à la métaphore et à sa reprise réflexive peuvent être féconds. Il développe aussi, dans une écoledémocratique, des compétences non seulement cognitives mais sociales : par exemple, dans le débat à visée philosophique, une attitude d’écoute d’autrui, et le respect des personnes malgré le désaccord sur leurs idées.
CONTENUS
Trois grandes questions sont proposées pour accompagner l’apprentissage du philosopher lors de cette annéed’initiation :
“ Qui suis-je ? ”, “ Que puis-je connaître ? ”, “ Que dois-je faire ? ”, qui doivent s’entendre aussi bien au niveau individuel, pour que les élèves se sentent impliqués, qu’au niveau de la condition humaine.
Elles sont abordées à partir d’un petit nombre de notions-clefssusceptibles de les éclairer, et proposées groupées pour que leur mise en relation délimite, dans le temps restreint disponible, quelques problèmes dérivés des trois questions, parmi la multitude des questions possibles. C’est donc l’étude des problèmes qui délimite l’approche des notions.
L’ordre dans lequel problèmes et notions sont abordés dépend deschoix philosophiques et pédagogiques du professeur.
Liste des problèmes et notions
Qui suis-je ?
- Nature et culture
- Langage et pensée
- Conscience et inconscient
- Sensibilité, imagination, raison
- L’art et le beau
Que puis-je connaître ?
- Croyance, savoir et vérité
- Théorie, expérience et preuve en sciences
- La complexité en sciences humaines :
- Comprendre et expliquer, interpréter
Que dois-je faire ?
- Liberté et déterminisme
- Ethique, morale et religion
- Le travail et les échanges
- L’Etat, le droit et la justice
EVALUATION
Epreuves
Il y a lieu de chercher la plus grande cohérence entre les activités opérées par les élèves dans l’année, qui développent capacités et compétences réflexives, la nature des travaux qui leur sont proposés et leurs critères d’évaluation.
S’agissant d’un système de contrôle continu, il est souhaitable que celui-ciintègre et distingue :
- l’aspect formatif, dont l’objectif est d’aider les élèves à affiner leur représentation des capacités et compétences réflexives attendues et à autoévaluer l’état de leur acquisition ;
- l’aspect sommatif, qui juge du niveau nécessaire pour obtenir l’examen.
Le premier aspect peut consister en travaux individuels ou collectifs, écrits ou oraux, dont la nature des tâches développent ces capacités et compétences : exercices de problématisation, de conceptualisation et d’argumentation sur les problèmes et notions du programme, commentaires de textes philosophiques par les élèves, formes diversifiées d’écriture,discussions à visée philosophique…L’objectif pédagogique du maître est, au cours ou à partir de leur prestation, de leur permettre d’évaluer l’exercice de leurs capacités réflexives.
Le deuxième aspect donne lieu à des travaux notés :
- à la fin du premier trimestre, les élèves produiront, sans limitation de temps, unessai sur un sujet qu’ils auront choisi parmi une liste proposée par le professeur, portant sur les problématiques du programme qui seront abordés au premier trimestre.
- Les deux trimestres suivants, ils réaliseront sur table un travail de trois heures : l’un portera sur l’une des formes d’écriture philosophique qui aura été travaillée en classe par le professeur (ex :dissertation, dialogue, échanges de lettres…), dont le sujet est une courte question portant sur un problème, ou une notion qui lui est lié, du programme étudié pendant le trimestre ; l’autre sur le commentaire d’un texte philosophique de dix à quinze lignes, qui se prête bien à l’analyse de processus de pensée à l’œuvre dans le passage : celui-ci sera tiré soit del’ouvrage expliqué dans l’année, soit d’un ouvrage d’un autre philosophe, abordable sans connaissance de l’auteur, dont la problématique portera sur le programme du trimestre.
- Une quatrième note prendra en compte les capacités réflexives manifestées par les élèves durant l’année à l’oral, notamment dans les discussions, qui auront lieu par exemple endébut d’étude d’un problème ou de notions (débroussaillage sur les représentations des élèves, la problématisation de la question, la conceptualisation des notions), ou à l’issue de leur examen (débat argumenté autour de prises de positions, reproblématisation terminale…).
La note terminale prendra en compte ces quatre éléments.
Critères d’évaluation
- Concernant l’essai et la forme d’écriture choisie, il s’agira d’évaluer la façon dont l’élève aura mis en œuvre dans le genre d’écrit des capacités réflexives sur une question philosophique. L’examinateur pourra se poser les questions suivantes : le candidat a-t-ilidentifié le problème posé, son enjeu pour l’homme, sa difficulté à le résoudre ? A-t-il élaboré un questionnement pour formuler ce problème ? A-t-il tenté de conceptualiser la ou les notions du sujet ? A-t-il tenté de les articuler avec d’autres, en opérant notamment des distinctions conceptuelles ? A-t-il développé des thèses possibles, une argumentationpertinente pour les soutenir ou les objecter ? Utilise-t-il des expériences, des exemples analysés avec pertinence ? S’implique-t-il réellement, et pas seulement formellement dans le sujet ?
Le correcteur appréciera aussi la pertinence des références philosophiques éventuellement convoquées, qui bonifieront dans ce cas le travail.
- Le commentaire de texte del’élève visera, dans un premier temps, à dégager le problème évoqué dans le texte, son enjeu philosophique, à repérer la façon dont l’auteur définit les notions qui permettent de formuler ou de résoudre la question, opère des distinctions conceptuelles, à identifier la thèse qu’il soutient ou combat, à expliciter l’argumentation à l’œuvre, lapertinence d’exemples éventuels ; et dans un second temps à élaborer une réflexion personnelle sur le contenu du texte, en mettant en œuvre ces capacités réflexives. Ce sont ces capacités à repérer et analyser dans le texte ces processus de pensée, et à les mettre en œuvre dans le commentaire qui seront les critères d’évaluation retenus.
-l’évaluation de la compétence à discuter philosophiquement retiendra les mêmes capacités, mais s’agissant de construire sa pensée dans l’interaction verbo-conceptuelle avec autrui, et non dans le face à face solitaire de l’écriture, elle prendra de plus en compte la pratique d’une éthique communicationnelle.
ORIENTATIONS DIDACTIQUES
Leprogramme est unique pour les quatre sections, mais le professeur insistera sur tel ou tel aspect de leur spécificité (exemples : l’épistémologie pour la filière scientifique, le travail et les échanges pour la filière économique, l’esthétique pour la filière artistique). Pour aider les élèves au décloisonnement de leur esprit, le professeur s’appuyera à cet effet, et defaçon plus générale, sur le contenu et les programmes des autres disciplines, et travaillera en interdisciplinarité avec ses collègues.
L’acquisition de processus de pensée pour approfondir problèmes et notions gagne à s’étayer sur des exemples de pensées philosophiques. C’est la dimension culturelle du programme. Il ne s’agit pas de faire un cours d’histoire desidées où défileraient des auteurs et doctrines, mais à l’occasion des problèmes et notions abordées, d’éclairer le sujet par tel ou tel auteur, tel élément de doctrine ou tel extrait de texte, susceptibles de montrer par quelle démarche et vers quelle conclusion s’oriente un philosophe par sa façon de poser un problème et de tenter de le résoudre. Des explications detextes courts et abordables pour des apprentis philosophes pourront ainsi permettre d’approfondir les problèmes et les notions qui leur sont liées.
Parallèlement à ces supports convoqués par le professeur selon les besoins des questions abordées, un ouvrage philosophique sera étudié dans l’année (œuvre courte ou passage consistant d’un ouvrage), en relationavec le contenu du programme, pour analyser à titre d’exemple la cohérence, la progression et la force d’une pensée. On pourra se reporter pour son choix aux suggestions ci-dessous.
LISTE INDICATIVE D’AUTEURS ET D’OUVRAGES
AUTEURS
Platon, Aristote, Epicure, Sénèque, Cicéron, Epictète, Marc-Aurèle, Plotin,Augustin, Averroès, Thomas d’Aquin, Machiavel, Monteigne, Hobbes, Descartes, Pascal, Spinoza, Locke, Malebranche, Leibniz, Berkeley, Condillac, Montesquieu, Voltaire, Hume, Rousseau, Diderot, Kant, Hegel, Fichte, Schopenhauer, Tocqueville, Comte, Stuart Mill, Kierkegaard, Marx, Nietszche, Freud, Durkheim, Husserl, Bergson, Alain, Russel, Bachelard, Heidegger, Wittgenstein, Sartre, Arendt, Merleau-Ponty, Levinas, Foucault, Rawls, Ricoeur, Derrida, Serres, Morin, Habermas…
QUELQUES ŒUVRES
- Phédon, République (livre7)
- Ethique à Nicomaque, Politique
- Lettre à Ménécée
- Le Manuel, Les Entretiens
- Le prince
- Les essais
- Discours de la méthode, Méditations métaphysiques
- Les pensées
- L’éthique
- De l’esprit des lois
- Discours sur l’origine de l’égalité, Du contrat social
- Fondements de la métaphysique desmœurs
- De la démocratie en Amérique
- Cous de philosophie positive
- L’idéologie allemande, Manifeste du Parti communiste
- Par delà le bien et le mal
- Les données immédiates de la conscience
- Introductionà la psychanalyse, Cinq leçons sur la psychanalyse
- Le nouvel esprit scientifique
- L’existentialisme est-il un humanisme ?
- Des ouvrages de philosophes actuellement vivants …
II – PHILOSOPHIE ET CULTURE PHILOSOPHIQUE
(Baccalauréat humanistico-linguistique. 3h et coefficient 2)
L’enseignement de la philosophie de la série humanistico-linguistique se déroule sur deux ans, avec le même horaire et le même coefficient chaque année. Il concerne quant aux compétences développées et son contenu (problèmes et notions) les deux années. Le programmeci-dessous, concernant la deuxième année, celle du baccalauréat, a pour objectif de développer ces compétences et d’approfondir les problèmes et notions abordées en s’appuyant davantage sur des textes philosophiques, afin de développer la culture philosophique des élèves. Cette deuxième année, d’approfondissement après une année d’initiation, doit donc êtrepensée en continuité et en cohérence avec le programme de philosophie de l’année précédente.
INTRODUCTION
La philosophie est l’une des formes majeures de notre culture occidentale : une voie privilégiée par laquelle l’homme s’interroge sur le sens de sa vie et de son rapport théorique et pratique au monde, à la société età la cité, à autrui et à lui-même, pour atteindre selon les philosophes la sagesse, la vérité, la vertu, le bonheur…
L’enseignement de la philosophie et l’apprentissage du philosopher ont pour objectifs, dans une société démocratique, d’apprendre aux élèves à penser par eux-mêmes, à s’interroger sur le sens et les principes de leurexistence individuelle et collective, pour qu’ils puissent orienter, en hommes libres, professionnels éclairés, et citoyens responsables du bien commun, leur pensée et leur vie, dans le champ des connaissances et des pratiques.
Le programme garantit la liberté philosophique du professeur, sans laquelle il n’y a pas de véritable liberté de pensée pour le maître et les élèves. Il articulesa nécessaire liberté pédagogique avec les garanties nécessaires aux élèves pour leur apprentissage réflexif et leur préparation aux épreuves certificatives.
Il est conçu pour permettre la poursuite d’études à l’étranger.
Il tente d’articuler étroitement trois pôles indispensables pour apprendre à penser parsoi-même : la proposition d’objets de réflexion (problèmes et notions), l’acquisition de processus intellectuels pour les penser, et l’étayage de cet apprentissage par l‘exemple de la tradition philosophique.
Afin d’impliquer les élèves dans une participation active au cours, propice à la construction de leur propre pensée, il est souhaitable de varier les méthodespédagogiques utilisées en classe : cours magistraux et discussions, lectures de textes et exercices diversifiés d’écriture, travaux de groupes et séances plénières…
CONTRIBUTION A L’EDUCATION A LA CITOYENNETE
Peu de philosophes ont été démocrates dans l’histoire de la philosophie jusqu’au 18 ième siècle. C’est lephilosophe qui est roi chez Platon, dont la réflexion naît de la rupture avec les préjugés du nombre. On connaît la position d’Aristote sur l’esclavage, la conception du souverain autoritaire chez Hobbes, l’admiration de Hegel pour Napoléon, le mépris nietzschéen pour le régime des faibles, les ambiguïtés d’Heidegger etc., et nombre de positions perçues aujourd’hui comme machistes surles femmes…Il faut les resituer dans leur époque et leur doctrine.
C’est donc moins la démocratie comme « philosophie » politiquement correcte qu’il faut enseigner, que la capacité pour chaque élève à réfléchir par lui-même sur les fondements de la politique, les présupposés de la démocratie, les valeurs avancées par les droits del’homme et du citoyen.
Un enseignement philosophique dans un régime démocratique devrait pouvoir former un « citoyen réflexif », vigilant vis-à-vis de la doxologie, de la sophistique ou de la démagogie toujours possibles, intellectuellement exigeant vis-à-vis du débat démocratique, dans sa nécessité d’une éthique communicationnelle dans les échanges,et la tenue conceptuelle et argumentative de la discussion dans l’espace public.
CAPACITES ET COMPETENCES
Une réflexion philosophique pertinente implique le développement de capacités cognitives chez les élèves, et notamment :
- la capacité à problématiser, à questionner et se questionner sur lesproblèmes fondamentaux de la condition humaine, rendre douteuses ses évidences, mettre à jour les présupposés d’une assertion, remonter aux principes, distinguer dans une interrogation différents registres de traitement (ex : épistémologique, éthique, politique…), comprendre l’urgence et le nœud du problème, et particulièrement en quoi réside sa difficulté à lepenser…
- La capacité à conceptualiser, à élaborer le contenu conceptuel d’une notion, idée générale et abstraite relativement indéterminée désignée par le langage, à opérer des distinctions conceptuelles pertinentes pour formuler et tenter de résoudre un problème…
- La capacité àargumenter rationnellement une thèse ou une objection, dans la cohérence logique d’une pensée et en référence à l’expérience humaine, à analyser une situation ou un exemple…
Ces capacités s’articulent systémiquement dans l’unité et le mouvement d’une pensée habitée, notamment dans des tâchescomplexes qui développent de véritables compétences philosophiques : la lecture philosophique d’un texte, l’écriture et la discussion à visée philosophique.
L’apprentissage du philosopher se nourrit avec profit du dialogue avec l’altérité : confrontation culturelle avec les grands philosophes, stimulation de l’enseignant, frottement réglé avec ses pairs, quifavorisent le dialogue avec soi, en particulier par l’écriture en face à face avec soi-même.
D’où l’intérêt d’organiser de telles activités en classe : lectures méthodiques philosophiques, formes diversifiées d’écriture philosophique, discussions à visée philosophique.
L’apprentissage du philosopher, s’ils’enracine dans une démarche rationnelle, s’étoffe de la sensibilité et de l’imaginaire, et l’appel à la métaphore et à sa reprise réflexive peuvent être féconds. Il développe aussi, dans une école démocratique, des compétences non seulement cognitives mais sociales : par exemple, dans le débat à visée philosophique, une attitude d’écouted’autrui, et le respect des personnes malgré le désaccord sur leurs idées.
CONTENUS
Trois grandes questions sont proposées pour accompagner l’apprentissage du philosopher :
“ Qui suis-je ? ”, “ Que puis-je connaître ? ”, “ Que dois-je faire ? ”, qui doivent s’entendre aussi bienau niveau individuel, pour que les élèves se sentent impliqués, qu’au niveau de la condition humaine.
Elles sont abordées à partir d’un petit nombre de notions-clefs susceptibles de les éclairer, et proposées groupées pour que leur mise en relation délimite, dans le temps restreint disponible, quelques problèmes dérivés des trois questions, parmi la multitude des questionspossibles. C’est donc l’étude des problèmes qui délimite l’approche des notions.
L’ordre dans lequel problèmes et notions sont abordés dépend des choix philosophiques et pédagogiques du professeur.
Liste des problèmes et notions
Qui suis-je ?
- Nature etculture
- Langage et pensée
- Conscience et inconscient
- Sensibilité, imagination, raison
- L’art et le beau
Que puis-je connaître ?
- Croyance, savoir et vérité
- Théorie, expérience et preuve en sciences
- La complexité en sciences humaines :
- comprendre et expliquer, interpréter
Que dois-je faire ?
- Liberté et déterminisme
- Ethique, morale et religion
- Le travail et les échanges
- L’Etat, le droit et la justice
EVALUATION
EPREUVES
Il y a lieu de chercher la plus grande cohérence entre les activités opérées par les élèves dans l’année, qui développent capacités etcompétences réflexives, la nature des travaux qui leur sont proposés et leurs critères d’évaluation.
S’agissant d’un système de contrôle continu, il est souhaitable que celui-ci intègre et distingue :
- l’aspect formatif, dont l’objectif est d’aider les élèves à affiner leur représentation descapacités et compétences réflexives attendues et à autoévaluer l’état de leur acquisition ;
- l’aspect sommatif, qui juge du niveau nécessaire pour obtenir l’examen .
Le contenu du programme consiste essentiellement dans des travaux à partir de textes de philosophes : explications et commentaires de textes,où les élèves construisent individuellement, puis collectivement avec l’aide du professeur, un sens philosophique du texte, non prédéterminé, mais résultant d’un processus de co-construction, enrichi in fine par l’éclairage philosophique, et si nécessaire historique, de l’enseignant. Ces explications seront suivies de discussions organisées par le professeur sur le contenu du programme,nourries par les références culturelles des textes et du cours du maître. On pourra par exemple, pour comprendre de l’intérieur la logique d’une pensée, confier après préparation à tel ou tel élève ou groupe d’élèves, la tâche de développer dans un premier temps, de soutenir dans un débat en un second temps, la réflexion de tel philosophe contenue dans un texteétudié ; ou bien les élèves prennent position après réflexion, éventuellement écrite, sur les conceptions des philosophes étudiés puis en discutent…
- un ouvrage philosophique sera étudié dans l’année (œuvre courte ou passage consistant d’un ouvrage), en relation avec les problèmes du programme, pour continuer àapprofondir, à titre d’exemple, la cohérence, la progression et la force d’une pensée. On pourra se reporter pour son choix à la liste indicative mais non limitative ci-après.
- Au cours du premier trimestre, les élèves produiront, sans limitation de temps, un travail à partir d’un texte choisi par l’enseignant en relation avec le programme, écrit par un philosophe qu’ils aurontà découvrir. Ils devront dans un premier temps expliquer ce qu’ils ont compris du texte (exercice de compréhension mais aussi de communication de ce que l’on a compris), dans un second temps développer une réflexion personnelle sur la façon dont l’auteur aborde dans cet extrait une question.
- Les deux trimestres suivants, dans l’ordre choisi par le professeur, ils réaliseront sur table un travailde trois heures : le premier type de travail consistera en une explication commentée d’un texte abordable de dix à quinze lignes, tiré soit de l’ouvrage du philosophe expliqué en classe, soit d’un auteur déjà étudié à travers d’autres textes, où l’élève procèdera comme précédemment.
Tous les textes proposés seprêteront bien à l’analyse de processus de pensée à l’œuvre dans le passage.
Pour le second type de travail, l’élève écrira un texte en relation avec les problèmes du programme ou les notions qui leur sont liées, dans un genre d’écriture étudié en classe : soit une dissertation où l’élève prendra position, nourri par des textesétudiés ; ou selon les entrées quatre ou cinq suggérées dans les orientations didactiques ci-dessous, une lettre, ou un échange de lettres, ou un dialogue…
- Une quatrième note prendra en compte les capacités réflexives manifestées par les élèves durant l’année à l’oral, notamment dans les exposés de thèses des philosophes ou lesdiscussions qui auront lieu suite aux explications de texte.
La note terminale prendra en compte ces quatre éléments.
CRITERES D’EVALUATION
- L’explication commentée des textes de l’élève visera, dans un premier temps, à dégager le problème évoqué dans le texte, son enjeu philosophique, à repérer lafaçon dont l’auteur définit les notions qui permettent de formuler ou de résoudre la question, opère des distinctions conceptuelles, à identifier la thèse qu’il soutient ou combat, à expliciter l’argumentation à l’œuvre, la pertinence d’exemples éventuels ; et dans un second temps à élaborer une réflexion personnelle sur le contenu du texte, en mettant en œuvre lescapacités réflexives mentionnées plus haut. Ce sont ces capacités à repérer et analyser dans le texte ces processus de pensée, et à les mettre en œuvre dans le commentaire qui seront les critères d’évaluation retenus.
- L’évaluation de la compétence à exposer oralement la pensée d’un philosophe consistera à juger de la véritablecompréhension d’un ou des textes abordés, et non de la restitution de notes mémorisées ou de la lecture de propos empruntés.
- Celle de discuter philosophiquement retiendra l’aptitude à mettre en œuvre des capacités réflexives et à les articuler dans une pensée personnelle. S’agissant de construire sa pensée dans l’interaction verbo-conceptuelle avec autrui, et nondans le face à face solitaire de l’écriture, elle prendra de plus en compte la pratique d’une éthique communicationnelle.
- Ce sont ces mêmes capacités qui devront être actualisées dans la dissertation, le dialogue ou la correspondance écrits par l’élève, genres qui mettent bien en évidence le degré de dialogisme d’une pensée.
ORIENTATIONS DIDACTIQUES
Il ne s’agit pas de faire un cours d’histoire des idées ou d’histoire de la philosophie, où défileraient des auteurs et doctrines, mais à l’occasion des problèmes du programme et des notions qui leur sont liées, d’éclairer la question abordée par tel ou tel auteur, tel élément de doctrine ou tel extrait de texte,susceptibles de montrer par quelle démarche et vers quelle conclusion s’oriente un philosophe par sa façon de poser un problème et de tenter de le résoudre. Des explications de textes courts et abordables pour des apprentis philosophes pourront ainsi permettre d’approfondir problèmes et notions. L’esprit qui préside à cette option est d’apprendre aux élèves à philosopher, endéveloppant leurs capacités réflexives sur des questions essentielles pour comprendre la condition humaine et s’orienter dans leur vie individuelle et collective.
Dans cet objectif général d’apprendre à penser par soi-même, l’objectif spécifique est d’étoffer les référents culturels, de multiplier les exemples de démarches philosophiquesincarnées par des philosophes, pour amener les élèves à diversifier les voies de l’élaboration de leur propre pensée
Il s’agit donc d’un enseignement de philosophie et non d’histoire, qui porte moins sur la connaissance du passé que sur la façon d’éclairer un problème abordé en classe, ou que se pose un élève, par la pensée desgrands textes de philosophes.
Non qu’il ne soit point utile, à telle occasion, pour la meilleure compréhension d’une doctrine, de contextualiser par son époque l’œuvre ou l’ouvrage d’un auteur, la dispute entre deux philosophes contemporains, ou quelques éléments pertinents de biographie, qui montrent aux élèves que les idées philosophiques, même si elles nous interrogentencore, sont nées historiquement, filles de leur temps et de l’esprit d’un homme. Il peut être instructif par exemple de situer les sophistes dans le contexte de la démocratie athénienne, le stoïcisme ou l’épicurisme dans celui du déclin des cités grecques, le « Contrat social » dans l’époque monarchique et la société génevoise, le marxisme par rapport audéveloppement du capitalisme industriel et financier, l’œuvre d’Hanna Arendt par rapport aux totalitarismes du vingtième siècle etc. ; ou d’éclairer Thomas d’Aquin par le christianisme, Averroes par l’islam, Descartes par les jésuites, Pascal par les jansénistes, Kant par le piétisme, Lévinas par le judaïsme… Il n’est pas indifférent de comprendre en quoi la Grèce etsa langue éclairent la naissance de la métaphysique, l’Angleterre Hume, la France Descartes, l’Amérique Tocqueville, ni de se demander s’il n’y a de philosophie qu’occidentale. Les anecdotes sur Diogène, Socrate ou Epictète, outre qu’elles accrochent pédagogiquement les élèves, concrétisent bien certains points de doctrine, et l’on aurait tort de s’en priver !
Mais l’essentiel réside dans l’accompagnement de l’élève pour qu’il apprenne à penser, et non qu’il mémorise simplement noms, dates et idées, ce qui n’est pas négligeable à titre de repères. Car les auteurs ne seront pas étudiés pour eux-mêmes, ce qui relève de l’enseignement supérieur et d’une spécialisation en philosophie, mais,s’agissant d’un apprentissage du philosopher, pour l’éclairage qu’ils apportent afin de penser des problèmes.
Voici quelques modalités possibles qui orienteront selon ses choix philosophiques et pédagogiques le professeur pour organiser l’année. Ces choix seront toujours en relation avec les problèmes du programme et les notions qui leur sont liées :
- 1)approfondir à la lumière de textes un problème (ex : « Puis-je me connaître ? », à la lumière de Descartes et Freud ; « Suis-je pensée ou corps ? », à la lumière de Berkeley et Merleau Ponty…), ou une notion qui lui est liée (ex : l’art selon Platon et Kant, l’Etat selon Hobbes et Stirner…), oul’articulation entre des notions éclairant un problème (ex : liberté et déterminisme chez Epictète et Marx) ;
- 2) étudier l’ouvrage d’un auteur, ou l’une de ses parties, ou quelques textes de son œuvre, apportant un éclaircissement sur un problème du programme ;
- 3) développer les approches du contenudu programme par un ou plusieurs courants philosophiques (ex : le scepticisme, le spiritualisme, le pragmatisme, l’existentialisme, le structuralisme…), leur continuité, leurs variations, leurs oppositions (ex : idéalisme et matérialisme, empirisme et rationalisme, libéralisme et marxisme…) ;
- 4) analyser quelques lettres échangées entre contemporains sur cesproblèmes (ex : Descartes et Mersenne, la correspondance de Spinoza sur les fantômes …) ;
- 5) comparer les problématiques liées au programme traitées par un même genre philosophique utilisé par des philosophes différents (ex : le dialogue chez Platon, Malebranche et Hume…).
Il peut être utile d’éclairer le programme et lesélèves en choisissant deux ou trois grands moments de la pensée occidentale : par exemple la maïeutique socratique, ou la logique aristotélicienne, le scepticisme pyrrhonien, le courage stoïcien, l’hédonisme cynique ou épicurien, le doute et le cogito cartésiens, l’impératif kantien, la dialectique hégélienne, la plus-value marxiste, le soupçon nietzschéen, l’inconscient freudien,la déconstruction etc., sans se priver de textes non occidentaux…
Mais sans souci d’exhaustivité, car il vaut mieux éviter l’encyclopédisme et l’érudition qui découragent les débutants. Le critère étant : en quoi ce texte peut faire réfléchir l’élève sur tel problème que l’on vient d’élaborer, ou telle(s) notion(s) quel’on tente de définir ou d’articuler en relation avec ce problème? Car la transmission de notre patrimoine réflexif ne prend sens pour l’élève que quand il l’aide à répondre à ses propres questions et à celles de l’humanité.
LISTE INDICATIVE D’AUTEURS ET D’OUVRAGES
AUTEURS
Platon, Aristote,Epicure, Sénèque, Cicéron, Epictète, Marc-Aurèle, Plotin, Augustin, Averroès, Thomas d’Aquin, Machiavel, Monteigne, Hobbes, Descartes, Pascal, Spinoza, Locke, Malebranche, Leibniz, Berkeley, Condillac, Montesquieu, Voltaire, Hume, Rousseau, Diderot, Kant, Hegel, Fichte, Schopenhauer, Tocqueville, Comte, Stuart Mill, Kierkegaard, Marx, Nietszche, Freud, Durkheim, Husserl, Bergson, Alain, Russel, Bachelard, Heidegger, Wittgenstein, Sartre, Arendt,Merleau-Ponty, Levinas, Foucault, Rawls, Ricoeur, Derrida, Serres, Morin, Habermas…
QUELQUES ŒUVRES
- Ethique à Nicomaque, Politique
- Lettre à Ménécée
- Le Manuel, Les Entretiens
- Le prince
- Phédon,République (livre7)
- Les essais
- Discours de la méthode, Méditations métaphysiques
- Les pensées
- L’éthique
- De l’esprit des lois
- Discours sur l’origine de l’égalité, Du contratsocial
- Fondements de la métaphysique des mœurs
- De la démocratie en Amérique
- Cours de philosophie positive
- L’idéologie allemande, Manifeste du Parti communiste
- Par delà le bien et le mal
- Les donnéesimmédiates de la conscience
- Introduction à la psychanalyse, Cinq leçons sur la psychanalyse
- Le nouvel esprit scientifique
- L’existentialisme est-il un humanisme ?
- Des ouvrages de philosophes actuellement vivants …