Accompagner les pratiques de discussions philosophiques à l’école par la formation et la recherche
LE CHOC D’UNE QUESTION EXISTENTIELLE D’ENFANT
Lorsqu’on propose à des enseignant(e)s de primaire d’organiser en classe des " discussions philosophiques ", on obtient rarement de l’indifférence. Car chacun en a fait l’expérience : certaines questions d’enfants embarrassent.
- Pourquoi la lune, c’est pas le soleil ?
- Mes cousines, elles seront toujours mes cousines ?
- Qu’est ce qu’elle fait, la tendresse,… dans mon cœur ?
- Pourquoi mon copain, il est pas pareil que moi ?
- Est ce qu’il faut tous être copains ?
- Si les dinosaures ont disparu, pourquoi on ne disparaîtrait pas un jour ?
- Les anglais on les comprend pas : pourquoi on dit qu’ils sont humains ?
- Si on n’a que des mots comme Doudou (une peluche), c’est parler ou pas ?
- Pourquoi mange-t-on la viande des animaux et pas celle deshumains ?
- Quand on est mort , est ce qu’on peut continuer à rêver ?
- Est ce que on peut être heureux sans argent ?
- A quoi ça sert d’aimer ?
- Pourquoi Kévin est mort ? Il a été méchant ?
- Quand je serai grand, je serai obligé d’avoir des enfants ?
- Mon papa et ma maman, ils vont mourir ? etc…
Ces questions résonnent en nouspar leur aspect existentiel, métaphysique, avant même que nous les raisonnions. C’est toujours étonnant de les entendre dans la bouche d’un enfant, que l’on soit instituteur ou parent. Car tout d’un coup l’enfance laisse voir le petit d’homme, l’animal pensant, avec à la fois la spontanéité et la justesse qui touchent. Qui touchent à la condition humaine, et à son angoisse. Nous sommes saisis, car à traversnotre responsabilité d’éducateur, c’est l’homme en nous qui est secoué par certaines de ces questions, qui nous habiteront jusqu’au dernier souffle…
Lorsqu’on demande maintenant à ces adultes quelle est leur réaction spontanée à ces questions d’enfants, on observe une grande diversité. Et si l’on engage un débat sur leur pertinence, les divergences vont bon train ! Essayez de vous situervous-même dans la typologie ci-dessous, empiriquement dégagée d’enquêtes menées :
" Lorsqu’un élève (vous) pose en classe une question de ce type, quelle attitude pensez-vous avoir spontanément ? "
- Je ne réponds pas et passe à autre chose, parce que l’enfant est " trop petit ".
- Je renvoie à d’autres la réponse (famille, curé..), parce que ce n’est pas à l’école de se prononcer sur des sujets métaphysiques, religieux, politiques,sexuels…
- Je diffère la réponse pour réfléchir à ce que je dirai : on en reparlera.
- Je dis sur cette question " je ne sais pas ", " c’est une question difficile ".
- Je donne la réponse qui me semble s’imposer.
- Sans prendre moi mêmeparti, j’énumère plusieurs réponses possibles.
- Je donne ma réponse, mais je dis qu’il y en a d’autres, opposées, différentes.
- Je reformule la question, sans donner la réponse, pour que l’élève en dise plus.
- Je retourne la question : " Et toi , qu’est ce que tu répondrais à cette question ? ".
- Je prends l’enfant à part pourqu’on en discute tous les deux.
- Je renvoie la question individuelle à toute la classe, pour qu’elle en discute.
- Autre réaction :
" Parmi ces attitudes, lesquelles vous semblent acceptables, inappropriées, dangereuses ? .
Discutez-en avec d’autres et vous verrez les divergences de point de vue !
DES RETICENCES
Si maintenant l’on interroge les enseignants sur la pratique innovante de discussions philosophiques à l’école primaire, on observe souvent, tant chez les professeurs stagiaires que chez des instituteurs confirmés, de l’incrédulité, des réticences, voire de franches objections.
Il serait impossible, à tout le moins très difficile pour des enfants, de mener une telle activité réflexive. Leur âge ne leur permettrait pas d’aborder des questions abstraites, complexes, faute dematurité psychique, d’un bagage linguistique, rationnel, culturel suffisant. Piaget n’a-t-il pas montré qu’ils ne parviennent au stade logico-formel qui permet le raisonnement qu’au début de l’adolescence ?
Ils seraient prisonniers d’un vécu trop affectif, de préjugés familiaux, sociaux et médiatiques. Ils ne pourraient se décentrer, décoller d’exemples pour conceptualiser, s’approprier la question,débattre rationnellement, et non passionnellement. Ils mélangeraient objections à leurs idées et à leur personne, et ne pourraient discuter : car ils ne s’écoutent pas, se coupent, s’affrontent, se jugent et se moquent, campent sur leur position , levent le doigt pour simplement montrer qu’ils sont là, ou n’osent pas parler…
Les enseignants ne sont d’ailleurs pas formés à ce type d’activité, et la philosophie n’est pas une matière enseignée : " A me lancer dans une telle expérience, ne serai-je pas incompétent sur le contenu des débats ? Ces questions sont difficiles, alors que répondre aux enfants ? Ne vais-je pas voir échapper, à libérer ainsi la parole d’élèves nombreux, mon autorité, la gestion du groupe-classe, le contrôle de sa régulation, et devoir faire de la discipline ? Ne serai-je pas dépassé par l’affectivité générée par des problèmes trop existentiels ? ". Cette activité est-elle d’ailleurs légitime, puisqu’elle n’est pas au programme ? Peut-on perdre du temps en bla-bla-bla souvent stériles au détriment d’apprentissages fondamentaux ? Que vont penser l’inspecteur, le conseiller pédagogique, les collègues, les familles,de discutailleries plus ou moins oiseuses ? ".
" N’est ce pas même dangereux pour les enfants de développer trop précocement leur rationalité, en les privant de leur part de rêve, au détriment de leur imagination et de leur sensibilité ? De soulever des problèmes qui ne les concernent pas encore ou pas tous ? De créer ou d’entretenir de l’insécurité devant la béance detelles questions, la multiplicité des solutions, alors qu’ils attendent la réponse qui les rassurerait ? D’aborder (au mépris de la laïcité ?) des sujets " tabous " (exemple la religion), qui peuvent mettre en porte à faux vis à vis des familles, avec des interventions qui peuvent choquer leurs idées ? Ne peut-il y avoir ainsi des dérives psychologiques (intrusion dans leur vie personnelle), ou desmanipulations idéologiques (endoctrinement plus ou moins volontaire) 1
?
On voit là que sont mises en jeu des représentations sur l’enfance (affectivement engoncée, intellectuellement incapable, fragile et à protéger de sujets " sensibles ") ; sur la philosophie (conceptuellement inaccessible, culturellement saturée) ; sur le métier (l’adulte comme figure d’autorité et de maîtrise, assuré des réponses par compétence sur les contenus ; conception neutre de la laïcité ; prégnance du programme) etc.
Ce discours doit être entendu, parce qu’il reflète l’état d’esprit d’une corporation prudente vis à vis d’innovations impliquant une prise de risque ; parcequ’il s’appuie aussi sur des constats de la vie quotidienne en classe ; parce qu’enfin il situe l’activité professionnelle dans un cadre à la fois réglementaire au niveau institutionnel, et éthique au niveau personnel.
Mais en même temps, et parfois chez les mêmes, qui prennent la mesure de difficultés réelles, on observe un vif intérêt des praticiens vis à vis de cette initiative. Lesproblèmes évoqués sont alors pensés moins en terme d’impasses que de défis pour l’enseignement et l’apprentissage.
UN VIF INTERET
Ces pratiques seraient une opportunité de rompre avec une " scolarisation " excessive des activités, réductrice des intérêts profondes des enfants : " Leur permettre de parler et de penser sur des sujets rarement abordés des programmesafin qu’ils s’expriment plus librement, donnent leurs opinions et en discutent ". " Développer des attitudes qui leur permettent de grandir ". " Etablir de nouveaux rapports entre élèves comme pairs, entre élèves et professeurs, sans la normativité trop souvent présente à l’école ", " Rompre une logique verticale ". " La pratique de discussions philosophiques me permetde devenir l’enseignante idéale à laquelle j’aspirais : accompagner l’enfant dans des questions qu’il se pose, pour qu’il entre par lui-même en recherche de réponses, c’est à dire apprenne ".
Ce discours d’ " innovateurs " insistant sur la " rupture ", rencontre celui d’autres collègues insistant sur la continuité, par l’articulation de cette pratique avec les missions fondamentales del’école et ses disciplines officielles : ce serait par exemple une entrée motivante pour des activités en français et en éducation civique : " Développer " l’oral réflexif " dans son genre débat ; maîtriser le langage pour maîtriser sa pensée (et inversement) ; travailler la communication en groupe : participer, s’exprimer, élaborer un point de vue, s’affirmer ; écouterl’autre, entrer en relation d’échange intellectuel avec lui ; se décentrer, se confronter sans s’affronter, et donc se socialiser, apprendre à débattre démocratiquement ; développer son esprit critique et en même temps la tolérance devant la pluralité des réponses et des opinions, ; se situer dans une discussion et se positionner publiquement et intellectuellement sur un sujet etc. ".
Ceserait " prendre en compte la curiosité de l’enfant devant le monde, l’autoriser à poser des questions pour qu’il s’autorise à les formuler " ; " ouvrir ainsi à une démarche de questionnement qui donne du sens à l’activité, parce qu’on a envie de trouver des réponses et qu’on se met en chemin ". Ce serait " dédramatisant de se rendre compte qu’on n’est pas tout seul à se posercertaines questions angoissantes ".
Cette recherche en commun mettrait en rapport avec la question de la vérité, donnerait la possibilité de mettre en mots sa pensée, de la structurer, de la préciser dans l’interaction avec les autres, de se découvrir comme être distinct de ses parents (" Est-ce que mes parents, ils peuvent se tromper ? "), d’acquérir de l’autonomie (" penser parsoi-même "), de se responsabiliser, en assurant publiquement une idée personnelle.
LES QUESTIONS PEDAGOGIQUES
Dès que les enseignants sortent d’une réaction défensive due à la dissonance avec leurs pratiques, par un " c’est impossible ", " c’est pas obligatoire ", " c’est interdit ", ou " je le fais déjà ! " ( ce qui amène à ne rien changer), etmanifestent l’envie de tenter quelque chose, les questions pleuvent sur le comment. Elles se font de plus en plus précises avec l’analyse de leurs expériences. Ci-dessous un premier inventaire des questions posées :
- Qu’est ce qu’amener à philosopher des enfants ? Et comment les faire passer du je individuel à un je plus universel ? Y a-t-il une philosophie pour enfants, pour adolescents, pour adultes, ou la mêmephilosophie adaptée selon l’âge ? Qu’est ce que philosopher pour un enfant ? Y a-t-il une différence de nature, de degré avec l’adulte ? Avec les philosophes ?
- La philosophie doit-elle être une discipline à l’école primaire, secondaire ? Ou une pratique plus qu’une matière ? Quelle place pour la philosophie dans la polyvalence de l’instituteur ?
- Comment former à la philosophieles enfants/adolescents ? Quels repères sur les processus de pensée, les exigences intellectuelles, les techniques d’animation ? Doit-on avoir recours aux doctrines, à l’histoire de la philosophie, aux grandes problématiques ?
- Quelles compétences développe la discussion philosophique (DP) chez les élèves ? De type disciplinaire (ex : en français, langue, communication), transversal ? Quelstypes de savoir, savoir-faire, savoir-être ? Comment situer les compétences développées par rapport à celles attendues par l’institution (ex : programmes) ? Qu’observe-t-on du développement de ces compétences : dans une séance/sur plusieurs mois/plusieurs années ? Y a t-il des retombées de la pratique de la DP sur d’autres disciplines (comportement, attitude face au savoir et au sens desconnaissances scolaires…) ?
- Quelle différence entre une question philosophique et une question qui ne l’est pas ? Comment identifier dans les questions des enfants celles qui sont philosophiques ? Comment entendre leurs questions philosophiquement ? Comment leur faire formuler des questions philosophiques ? Qu’est-ce qu’écouter philosophiquement ?
- Comment utiliser l’exemple, le narratif-descriptif pour ancrer le débat dans le vécu des élèves, en faire un matériau d’analyse, et ensuite le dépasser dans et par la conceptualisation ? Comment progresser d’exemples accumulés à ce qui leur est commun pour conceptualiser ? Quelle utilisation du contre-exemple, qui a statut de preuve ? Comment les amener à argumenter rationnellement ? Comment les désembourber de l’affectif pour travailler le cognitif ? Comment réguler les conflits socio-affectifs ? Comment provoquer des conflits socio-cognitifs ?
- Quel est le statut du maître pendant la DP ? Change t-il son rôle scolaire habituel ? Si oui en quoi ? Est-il perçu différemment par les enfants ? Quels effets produits ?
- Quelles sont les compétences nécessaires au maître pour animer une DP ? Quelles exigences pour qu’elle soit démocratique ?Quelles exigences intellectuelles pour qu’elle ne soit pas seulement démocratique, mais philosophique ?
- Comment évaluer l’efficacité d’une DP, son intérêt pour les élèves ? Faut-il noter les élèves pendant une DP ? Ou déscolariser au maximum ces moments, comme lieu d’une vraie prise de parole, sans jugement ?
- Comment être à la fois rigoureux et convivial dans uneDP ?
- Doit-il y avoir des moments spécifiquement philosophiques, ou des moments philosophiques à l’occasion de chaque contenu disciplinaire ? La philosophie doit-elle être spécifique ou transversale ?
- Si on organise des moments institutionnalisés (ex : ateliers), quand, combien de temps ? Comment on commence et comment on finit une séance?
- L’espace doit-il être aménagé? Comment ? En rond, en carré, en U ? Dans la même classe ou une autre (ex : polyvalente) ? Les enfants sont-ils derrière des tables, ou assis sans rien devant, sur une chaise ou par terre, avec ou sans stylo ?
- Doit-il y avoir une ritualisation ? Intérêt ou pas ? Si oui quels rituels (à l’ouverture, à la fermeture, mise en place, espace, répartition des fonctions, solennisation etc. ) ?
- Comment écouter attentivement un élève pour le comprendre, lui laisser le temps de formuler sa pensée, et s’occuper du groupe (qui peut se dissiper) ?
- Comment gérer en même temps (surcharge cognitive) la discipline dans le groupe, les tours de parole, la compréhension de ce que disent les élèves, la reformulation et la progression du débat ?
- Comment articuler discussionavec un seul et discussion collective ? Quand deux élèves discutent, comment recentrer le " dualogue " sur du dialogue collectif ? Quand s’adresser aux individus et au groupe-classe ?
- Comment distribuer la parole quand beaucoup la demandent en même temps ?
- Qui anime ? Le prof, un élève, des élèves ? En coanimation ? Si oui sur quelle base ?
- Comment réinvestir lespratiques démocratiques de la classe coopérative et du " conseil " (Freinet, pédagogie institutionnelle) dans le fonctionnement de la classe, dans des discussions sur un contenu, sur des problèmes philosophiques ?
- Faut-il différencier des fonctions (Animateur, coanimateur, président de séance, preneur de notes, gestionnaire du temps, reformulateur, objecteur, synthétiseur, observateur surle fond/la forme, donneur de micro, aménageur de la classe en rond pour les discussions etc.) ? Intérêt ou pas ? Quelles fonctions et dans quels buts ?
- Quelles règles de fonctionnement du débat (démocratique, philosophique) ? Imposées, proposées, coélaborées ? Explicitées ? Rappelées au début chaque fois, écrites, affichées ? Qui est gardien desrègles (le prof, un élève, le groupe) ?
- Quelles règles pour donner la parole ? Lever la main, tour de table au début, des muets à la fin, volontariat, sur ordre d’inscription, par réactions spontanées, désignation, avec un capital de trois tickets seulement pour une ½ heure ? Faut-il donner la parole à tous, au maximum d’élèves ? A-t-on un joker si on est interpellé, le droit de se taire ? Qui donne la parole et comment ?
- Faut-il ou pas un bâton de parole (Objet symbolique qui donne le droit de parler) ? Faut-il ou pas un micro (voix amplifiée, traces…) ? Si micro, qui le tient, le donne ? Où est-il : au milieu du cercle, à côté du prof ? L’enfant qui le tient est tourné vers qui ? L’enfant qui parle est-il assis, debout ? A sa place, se déplace ? Qu’est-ce que tous ces " détails " induisent sur l’élève, le groupe, la discussion ?
- Comment gérer dans une DP avec des enfants l’affectivité ?
- Comment gérer le nombre d’élèves ? Prendre la classe entière, un responsable du silence, des élèves qui ne parlent pas mais ont une fonction (ex secrétaire) ? En coupant la classe en deux (autrepartie avec collègue, aide-éducateur ) ? Si oui sur quels critères (ordre alphabétique, sociogramme, cours multiples, cycles dans classe unique …) ?
- Comment gérer les apartés ? Ont-ils une fonction pour les élèves dans un débat ? Faut-il les pourchasser systématiquement ? Les utiliser, parfois les institutionnaliser ?
- L’enseignant doit-il intervenir sur le fond (dire cequ’il pense, redresser une erreur ou des faits inexacts, des raisonnements incorrects, objecter…) ? Ou rester en retrait : ne pas du tout intervenir, ou se contenter de gérer le débat (répartition de la parole et régulation socio-affective) ? Quels effets produits s’il conduit avec rigueur, interroge à la cantonade, nominativement, ou laisse se dérouler des échanges informels ?
- Faut-il uneprogression dans le débat, ou laisser dériver ? Faut-il recentrer ? A-t-on prévu différentes phases (ex conceptualiser puis argumenter. Ou expression libre puis justifications puis d’accord/pas d’accord parce que) ? Faut-il préparer les débats ? L’enseignant doit-il avoir un fil conducteur ?
- Faut-il des synthèses, partielles, finales ? Quelle seraient leurs fonctions ? Toute synthèse est-elleréduction, fermeture, ou engrangement ? Comment la concevoir, la structurer ? Quelle longueur ? Doit-elle faire trace ? Qui la fait ?
- Garde-t-on des traces de ce que l’on dit ? Si oui pourquoi ? Et comment ? Utilise-t-on le tableau ? Des synthèses dictées ? Une restructuration individuelle ? Enregistre-t-on les débats ? Si oui pourquoi ? Quels effets induits au niveau psychologique et psycho-sociologique par le micro, la bande magnéto, la vidéo ? Quelles utilisations pédagogiques ? Et pour la recherche ?
- Comment faciliter la production d’idées, les processus de pensée ?
- Comment réguler psycho et socio-affectivement le groupe d’enfants ou d’adolescents ?
- Faut-il reformuler ce qui vient d’être dit ? Quel intérêt ? Qui doit reformuler ? Qu’est-ce que reformuler ? Quelles fonctions ? Comment faire ? Jusqu’où interpréter ?
- Quel intérêt de moments métacognitifs, où l’on réfléchit collectivement sur le fonctionnement de la discussion (psycho-sociologique et cognitif), et ne discute plus sur le fond ?
- Faut-il des supports écrits pour démarrer (romans, contes, textes) ? Quelle utilisation ? Faut-il lire soi-même et/ou faire lire les enfants ? Comment leurfaire poser des questions sur le texte (pas seulement de compréhension ou factuelles, mais philosophiques) ?
- Qui choisit les questions retenues (prof, élèves), et comment (ex : vote) ? Et à partir de quoi (connaissances du cours, événement de classe ou d’école, actualité, support écrit ou audiovisuel, boîte à questions philosophiques dans la classe…) ?
- Commentpeut-on articuler la DP orale avec un écrit où les élèves réinvestissent des notions, des thèses, des arguments ?
- Comment moduler les dispositifs en fonction des objectifs poursuivis, des supports utilisés, de l’âge des élèves, de leur hétérogénéité, du niveau du curriculum (CP/CM2), du contexte (rural/urbain, quartier favorisé/banlieue, classe unique ou à cours multiples…) ?
QUELQUES ORIENTATIONS POUR LA FORMATION
Ce sont ces questions que la formation doit (entre autres) aborder.
Quelques pistes, regroupées à partir des témoignages de formateurs qui suivent et de notre propre pratique :
1 Travailler sur les représentations :
a) que les enseignants se font de la philosophie. Car elles proviennent engrande partie de leurs souvenirs scolaires, bons ou mauvais, selon l’intérêt manifesté à l’époque, le professeur fréquenté, les types d’activité proposés …Or, par rapport au " modèle " de la terminale, il faut complètement bouleverser à l’école primaire sa vision : il est possible de philosopher sans le préalable d’une culture d’auteurs et de textes(ceux-ci aident à approfondir ), mais en (se) questionnant et en réfléchissant par soi-même et avec d’autres ; et sans écouter des cours magistraux en prenant des notes, ni en faisant des dissertations : mais par des discussions rigoureuses…
b) que les enseignants se font de la discussion. Car les pratiques sociales de celle-ci peuvent égarer pour la pratique pédagogique, si on les prendpour référence : conversations informelles sur des banalités qui sautent par associations d’idées du coq à l’âne ; émissions radio ou télé aux questions des journalistes plus provocantes que " maïeutiques "2
, qui ne laissent pas le temps suffisant pour répondreet ne favorisent pas les interactions ; débats politiques médiatisés où l’on ne discute pas avec l’autre, mais cherche à le déstabiliser pour rallier à soi par tous les moyens l’auditoire etc.
c) que les enseignants se font de la discussion philosophique. Or il n’y a pas en la matière de pratiques sociales de référence dans la tradition philosophique. Il ne nous reste que desécrits. Le dialogue socratique ne concerne que deux ou trois interlocuteurs. La dispute du Moyen Age (type controverse de Valladolid) voit se succéder deux longs monologues sans échange…comme les suites de " communications ", voire les " tables rondes ", dans les colloques de philosophes. Les pratiques des cafés-philo peuvent donner des idées intéressantes, mais il s’agit d’adultes, volontaires, et la " philosophicité " des débats est contestée par nombre de philosophes (c’est du " café de commerce " selon eux). D’où l’intérêt en formation, de faire vivre puis analyser (avec dispositif d’observation), des discussions philosophiques, pour s’enconstruire une représentation précise. 3
2 Rassurer les scrupuleux et l’institution,
en montrant la cohérence de ces pratiques avec les objectifs du système éducatif : mettre l’élève au centre ; développer la maîtrise de l’oral, son genre débat, et l’argumentation en français ; éduquer à la citoyenneté par une éthique communicationnelle etl’apprentissage du débat démocratique ; former à l’esprit critique ; favoriser pédagogiquement la motivation et l’émergence de sens par le questionnement, le travail des élèves entre eux (interaction sociale entre pairs), et l’évolution de leurs représentations par des confrontations (conflits socio-cognitifs)… Il est important, pour aller dans le sens de la continuité, de montrer comment cesexpériences peuvent s’articuler avec des pratiques déjà en place : moments de parole, travaux de groupes, conseils d’élèves, discussions etc. , en les infléchissant philosophiquement.
3) Accompagner les innovateurs et l’innovation,
en insistant sur l’aspect " rupture ", c’est-à-dire la spécificité de l’activité proposée. Quatre axes sur ce point :
- Mettre aucentre de la formation ce qui fait question pour l’enfant, son interrogation devant le monde, autrui et lui-même, parce que c’est ce qui donne sens et énergie à son désir d’apprendre, et structure positivement son rapport au savoir. Car philosopher, c’est d’abord (se) questionner. Interroger les problèmes essentiels pour l’homme, c’est-à-dire structurant sa condition : la liberté, lavérité, grandir-vieillir-souffrir-mourir, le sens de la vie, l’amour et l’amitié, le travail et l’argent, le beau etc., bref les questions éthiques, religieuses, sexuelles, esthétiques, épistémologiques, métaphysiques …
Pour cela, il faut que les enseignants, au delà de leur fonction de transmission par la parole, apprennent à écouter les questions desélèves. Et à les entendre non psychologiquement : comme l’angoisse d’un enfant à sécuriser par un étayage affectif et une réponse rassurante (" Maîtresse, tu as des cheveux blancs : tu vas mourir ? ") ; ni pas seulement scientifiquement (" c’est quoi la mort ? " devient " c’est comme une machine qui se casse ", registre de formulation certes plus adapté que " le cerveau en électroencéphalogramme plat " !) ; mais philosophiquement : comme l’énigme existentielle que l’homme mettra sans cesse en chantier dans sa vie pour en décrypter un sens. - Développer le sens d’un rapport non-dogmatique aux réponses, et donc au savoir. Les questions philosophiques sont complexes, difficiles. Elles engagent la condition humaine, et comme le montrel’histoire de la philosophie et notre confrontation aux autres, elles sont controversées. Les solutions proposées sont multiples, et chaque réponse personnelle, même réfléchie, est susceptible d’être reprise, réexaminée, dès qu’elle est soumise, pour autrui ou soi-même, à la question. Le discutable commence où s’arrête le dogme comme vérité définitive parce qu’absolue. Est philosophique toute réponse qui , prétendant à la légitimité de son affirmation , accepte de mettre cette prétention à l’épreuve de l’objection d’autrui, et de la communauté des esprits, parce qu’elle en appelle à l’universalité de la raison. Toute réponse à une question philosophique est donc en droit interrogeable, par et dans le discussion. Seul l’argument, et l’argument reconnu comme " meilleur argument " (Habermas), peut faire autorité
4
. - Repositionner le statut et le rôle du maître. Le " maître en discussion philosophique " est donc moins celui qui tire son autorité et sa compétence d’un" savoir-la-réponse-à-la-question posée ", ou " transmettre-les-réponse-déjà-trouvées ", que celui qui ouvre et organise un espace où les élèves vont s’autoriser à poser leurs questions, et provoque lui-même le questionnement par ses questions, sans jamais totalement refermer la question. C’est moins un " sujet-supposé-savoir " qu’un "sujet-sachant-douter ", un sujet lui-même en recherche, à la réponse " définitivement provisoire ", et donc intéressé par celle des autres, même quand il pense en avoir une. Bref un maître qui s’intéresse à la pensée des enfants. Non par la démagogie de quelqu’un qui s’abaisserait à leur " niveau ", mais parce qu’il veut leur faire partager cetteculture de la question, de la recherche et du cheminement. Un maître qui ne renonce pas à transmettre, mais transmet le goût de la question, l’appétit du savoir, l’esprit de la communauté de recherche. Quelqu’un qui cherche avec pour que la classe cherche ensemble.
– Insister sur l’exigence de rationalité. Non que toutes les réponses se valent. Il ne s’agit faute d’éviter ledogmatisme, de ne tomber ni dans le scepticisme ni dans le relativisme. Elles ont certes toutes le droit de s’exprimer. Sinon comment pourrait-on les travailler ? Mais l’encouragement à participer n’implique en rien de valider les affirmations proposées. L’exigence est l’autre face de la tolérance dans une discussion philosophique. Le respect de la personne, c’est la non-concession sur la faiblesse de ses idées. Estimerintellectuellement l’autre, c’est écouter avec bienveillance la personne et critiquer constructivement toute proposition qu’il émet sans fondement rationnel.
Les réponses sont souvent posées avant même qu’on ait formulé la question qui leur donne sens : ce sont des préjugés ancrés dans l’affectivité et issus de l’environnement. Commençons donc par élaborer la question(processus de problématisation).
Quand on pose une question et qu’on commence à discuter, on s’aperçoit qu’on ne met pas la même signification sous les mêmes mots. Il faut donc s’accorder sur ce dont on parle, commencer par définir les mots, examiner leur définition pour voir si elle convient à la notion abordée, les comparer à des notions proches ou opposées (ex :ami, copain, amoureux). C’est ainsi que l’on précise, par ressemblance et différence, les concepts utilisés (processus de conceptualisation).
Quant à la réponse qui se cherche dans le groupe, la mienne, comme toute autre, a statut dans la discussion d’hypothèse à éprouver (soumettre à la preuve), critiquer et fonder par de " bonnes raisons " (LIPMAN). Toute affirmation doitdonc être fondée par des " bonnes raisons ", des " parce que " qui résistent à des objections. Le pluralisme des opinions ne traduit jamais une équivalence des positions dans une discussion philosophique, parce que la visée de vérité reste à l’horizon de l’échange collectif. Il faut donc argumenter.5
Sens du questionnement sans fermeture, pour éviter tout dogmatisme ; droit individuel d’expression et pluralité de points de vue, mais sans relativisme par rigueur conceptuelle, argumentation rationnelle, visée de vérité ; besoin des autres pour chercher collectivement, écoute respectueuse des personnes, mais exigences intellectuelles sur leurs idées:
tels sont les fondements d’une " éthique communicationnelle " de la discussion philosophique, qui est en même temps une morale de la pensée. Tel est l’idéal régulateur, jamais réalisé, mais point de repère pour l’enseignant qui va bricoler dans la classe des discussions philosophiques.
4 Construire des compétences en matière de conception, de mise enœuvre et d’analyse de dispositifs favorisant la réflexion.
Il est utile ici de décrire, de lire (scripts de discussions), d’écouter (cassette magnétophone), de montrer (vidéo) des exemples de discussion en classe 6
, avec observation ciblée et partagée dans le groupe. Des pratiques diversifiées pour ne pas modéliser, prescrire, mais donner des idées en comparant des expériences. Par exemple :
- le protocole de Jacques Lévine, où les enfants discutent dans un premier temps entre eux sans intervention de l’enseignant, qui les enregistre, puis anime un deuxième temps après visionnage de la cassette. Les élèves ont ainsi l’occasion de construire entre pairs, dansun espace construit, protégé, mais sans la pression de l’enseignant, leur identité humaine de sujets " parlant-pensant " sur des problèmes essentiels.
- Le style très " conceptualisant " d’Anne Lalanne, où l’enseignante conduit le groupe, dans un entretien philosophique collectif fortement guidé par des exigences conceptuelles, mais en s’appuyant essentiellement sur les apports desenfants.
- Le dispositif " démocratique " d’Alain Delsol, ou contrairement au style précédent, nombre de fonctions de la discussion sont déléguées à des élèves, le maître veillant à la coordination de l’ensemble, et intervenant plus légèrement sur les processus réflexifs : aménageurs de l’espace, responsable du micro, président deséance, reformulateur, synthétiseur, observateur etc…
Entrer dans la réflexion philosophique pour la construction identitaire du sujet, les processus de pensée, ou un dispositif démocratique (il faudrait y ajouter ceux qui partent des interactions sociales pour maîtriser la langue) sont des approches très différentes, et ce sera à chaque enseignant de se trouver, en fonction de ses objectifs, sapersonnalité, le groupe d’enfants dont il la charge etc., sont propre profil de " médiateur réflexif ".
5 Différencier la formation selon qu’elle est :
- en formation initiale.
Les professeurs d’école ont tout à découvrir du métier. Ils sont en insécurité à la fois sur les compétences à gérer un groupe et sur lesconnaissances disciplinaires qu’imposent leur polyvalence. Mais comme tout est nouveau pour eux, nous constatons que certains n’hésitent pas à se lancer dans une innovation, parce qu’elle est pour eux nouvelle au même titre, et pas davantage, que le reste. La pratique de la discussion philosophique chez les débutants pourraient ainsi contribuer à forger une nouvelle identité professionnelle des enseignants, endéveloppant une culture de questionnement, et par là une nouveau rapport au savoir à l’école. D’où l’intérêt de s’appuyer sur ceux qui ont fait des études de philosophie, et sur tous les volontaires qui saisissent les enjeux langagiers, démocratiques et réflexifs de telles pratiques. Certaines formules d’IUFM sont intéressantes : par exemple sensibiliser toute une promotion puis netravailler en option qu’avec un groupe de volontaires (CFP de Montpellier). Ou travailler avec les étudiants intéressés, dans le cadre de parcours diversifiés (10% de l’horaire à l’IUFM de Montpellier). Ou intégrer cette formation dans un cursus (IUFM de Melun pour l’AIS) etc. - en formation continue.
On peut ici travailler à l’IUFM dans des stages du plan départemental voireacadémique de formation, en rassemblant les instituteurs motivés (jusqu’à quatre semaines de stages à l’IUFM de Caen), ou avoir des moments spécifiques sur la question dans un stage sur le langage, la citoyenneté (IUFM du Mans, de Clermont-Ferrand), ou l’AIS (IUFM de Rouen). Il y a de même des formations pour les conseillers pédagogiques (Gard), ou les Imf.
Il peut y avoir aussi, en circonscription desconférences de sensibilisation (Val de Marne), des stages de REP (Mulhouse), des ateliers pendant les regroupements pédagogiques (Narbonne). Dans tous les cas il est souhaitable de partir des représentations des stagiaires, des questions que leur ont posées les enfants et de leurs stratégies de réaction à ces questions ; de faire avec eux des discussions philosophiques dont les sujets peuvent êtretraités en classe et de les analyser ; de leur faire étudier des supports écrits et audio-visuels de pratiques diversifiées ; et surtout d’analyser leurs propres pratiques sur le terrain.
QUELQUES PISTES POUR LA RECHERCHE
Dès lors que des pratiques se développent sur les terrains nouveaux de l’école primaire et de l’AIS, il est nécessaire, pour analyser l’innovation et l’accompagner, decréer en France un pôle de recherche, en relation avec les études faites dans le monde autour de la philosophie pour enfants.
Quelques axes possibles :
1 L’état des lieux des pratiques, des formations et des recherches, au niveau historique et actuel, dans le monde et en France, de la philosophie avec les enfants. Etude de la méthode du philosophe américain Mathew LIPMAN : ses présupposésphilosophiques (pragmatisme), politiques (démocratie), pédagogiques (méthodes actives), ses influences (Dewey, Piaget), son insistance sur la logique etc. (voir les travaux de Marie-France Daniel, Gilbert Talbot). L’analyse de sa diffusion dans le monde 7
. Pourquoi ce succès ? Son introduction par exemple par le biais d’uncours de morale au Québec et en Belgique. Les problèmes interculturels qu’elle pose (des brésiliens comme Walter Kohan de l’université de Brasilia, cherchent une adaptation à un pays en voie de développement ; les français seraient plus sensibles, pour une exclusion scolaire dans le roman de HARRY, au "foulard islamique " qu’au refus de se lever devant le drapeau américain etc.).
Il faudrait, enFrance, chercher s’il y eut des précurseurs : chez les partisans des méthodes actives, s’intéressant aux " intérêts " des enfants. Dans l’action d’une inspectrice comme Mme Torcatel. Analyser la résistance du discours philosophique traditionnel en France, sa mise en cause par le GREPH dans les années 75, avec quelques expériences en collège. Les tentatives avortées de la méthode Lipman dans les années 80, autour d’Orléans, et la franche émergence de pratiques diversifiées en ce début de troisième millénaire.
2 L’articulation de la discussion philosophique avec certains objectifs de l’école et certaines disciplines :
- dans toutes les disciplines, et particulièrement en français, la maîtrise de la langue, et en particulier de la langueorale, dans son genre débat, avec le développement de l’argumentation ; l’insistance sur des activités langagières plus que linguistiques, visant un " oral réflexif ", et pas seulement communicationnel, à base d’interactions sociales verbales entre pairs, favorisant la construction identitaire de sujets ;
- l’éducation à la citoyenneté, visant la lutte contreles incivilités et la violence, et la construction d’une socialisation démocratique, par le rapport coopératif, et non passif ou transgressif, à la loi. L’expérience montre que le climat de la classe, et certains élèves jugés " difficiles ", peuvent être " pacifiés " par la discussion philosophique : pourquoi cet effet d’écoute, et d’" éthique communicationnelle " ? Quels peuvent être les effets de discussions philosophiques sur des élèves en échec scolaire (c’est le volet français du projet européen DAPHNE de prévention de la violence !) ?
- Il est aussi intéressant de comparer la discussion philosophique avec d’autres formes de débats pratiqués à l’école : le " conseil coopératif" de la pédagogie Freinet ou institutionnelle, qui a pour fonction de réguler socio-affectivement les conflits, ou d’argumenter des propositions avant de démocratiquement voter, et non d’échanger sur des sujets existentiels ; les " pour et contre " de la didactique du français, qui développent des capacités argumentatives pour soutenir une position et amener les autres sur la sienne, mais netravaillent pas la formulation d’un questionnement qui instaure une démarche de " communauté de recherche ". On peut s’interroger sur la façon d’articuler la structure démocratique d’un conseil sur des contenus existentiels
8
, ou sur la façon d’ancrer l’argumentation en français sur une problèmatisation philosophique9
. - La promotion par ailleurs du " débat scientifique " à l’école primaire, tant en mathématiques (Marc Legrand à Grenoble), qu’en sciences expérimentales (avec l’opération " la main à la pâte " de GeorgeCharpac), invite à s’interroger sur les ressemblances (questionnement, recherche, interaction argumentative entre pairs) et les différences (mode d’administration de la preuve, rôle du maître de garant ou non in fine d’une " vérité ") entre ces types de débat et la discussion philosophique. Et-il possible d’articuler activités scientifiques et réflexion philosophique
?10
3 Pratiquer des discussions philosophiques à l’école primaire développe-t-il réellement une capacité réflexive chez les élèves ? Quelles sont les compétences réellement acquises, par exemple en matière de conceptualisation, de problèmatisation etd’argumentation, à moyen et long terme, et selon l’âge des enfants ? Qu’en est-il par exemple, en juin 2002, de la première cohorte d’enfants qui a suivi à Montpellier, avec Anne Lalanne, un atelier de philosophie pendant les cinq ans de l’école élémentaire ? Qu’en est-il de ce travail dans la " zone proximale de développement " selon Vigotski, par rapport aux " stades " de Piaget ? Comment fonctionne cognitivement l’élaboration d’une réflexion personnelle dans et par l’interaction sociale verbale, notamment entre pairs, par rapport au face à face vis à vis de soi-même devant la page blanche ? Qu’en est-il du dialogisme pluriel dans ces interactions2 ? Y a-t-il des retombées d’une pratique régulière de discussion philosophique sur les autres disciplines, par exemple sur la lecture ou le raisonnementmathématique, comme semble le montrer des recherches aux Etats Unis et au Québec ?
Voilà quelques unes des questions posées aujourd’hui à la recherche en France…
MICHEL TOZZI, UNIVERSITE P. VALERY, MONTPELLIER 3
Notes
(Cliquez sur les pour revenir autexte)
1 – Enquête auprès de professeurs stagiaires à Montpellier, et d’instituteurs dans le Val de Marne et l’Aude.
2 – Lemaïeutique est la façon de " d’accoucher les esprits " de Socrate, par une interrogation minutieuse qui amène à mettre en question ses idées.
3 – Voir pour l’analyse de dispositifs de discussion nos articles :
" Le café philosophique : un défi pour lapensée ", in L’oral argumentatif en philosophie, CDRP Montpellier, 1999.
" Un débat philo bien frais ", in Cahiers Pédagogique n°35, juin 2000
" Les enjeux de l’animation d’un céfé-philo ", Diotime-L’Agora n°9, CRDP Montpellier, mars 2001.
6 – Voir notre ouvrage précédent : Philosopher à l’école primaire, CRDP Montpellier- Hachette, 2001.
7 – Cf. Compte-rendu du congrès à Brasilia de 1999, " Trente ans de pratiques et de recherches de philosophiepour enfants dans le monde ", par GALICHET F., in Diotime-L’Agora n°4, déc. 1999, CRDP Montpellier. Ou rapport de M.SASSEVILLE à l’Unesco sur " la philosophie pour enfants dans le monde " (1999).
8 – Cf. DEA de Sylvain CONNAC : " La discussion philosophique comme institution dans le pédagogie institutionnelle ", Montpellier III.
9 – Cf. la thèse en cours de Gérard AUGUET " Contribution linguistique d’une didactique du philosopher à l’école primaire "
10 – Cf. Daniel M.F. Philosopher sur les mathématiques et les sciences, le loup de gouttière Québec, 1996.